Interview avec Sébastien Philippe !

Sébastien Philippe dirige l’écurie ART GP depuis 2014. Il s’occupe de trois catégories : le GP2, le GP3 mais également le DTM puisque l’écurie Française a intégré le célèbre championnat Allemand début 2015.

CLF : Tout d’abord, merci de prendre un peu de temps pour nous.
La saison de GP3 s’est terminée fin novembre et pour la sixième fois en sept saisons, le titre revient à ART GP. Quel est le secret d’une telle réussite, d’une telle domination, alors que les voitures sont toutes identiques ?

SP : "Il est parfois difficile d'expliquer le succès. Nous sommes engagés en GP3 depuis la création du championnat en 2010 mais nous nous sommes beaucoup aidés de l'expérience de l'équipe en GP2 et en F3.
La philosophie d'ART GP existe maintenant depuis près de 20 ans, nous avons donc mis en place les outils que nous avons su acquérir durant toute cette période et c'est ça qui nous a permis de prendre un bon départ en GP3. Ensuite, le succès apporte le succès, nous avons toujours eu cette petite longueur d'avance et ça nous a également aidé pour signer les meilleurs pilotes."

CLF : Sur vos quatre pilotes, Charles a été le dernier à être officialisé pour la saison 2016. A quel moment avez-vous décidé de l’engager ?

SP : "Il ne faut pas faire attention à l'ordre des officialisations parce qu'il est souvent dicté par des règles de communications entre les différents parti. Ce n'est pas parce que nous l'avons officialisé le dernier que nous l'avons choisi en dernier. De plus, il faut savoir qu'avec Nicolas Todt et Charles, nous parlions d'un engagement depuis l'été 2015 alors qu'il était encore en F3."

CLF : Nous savons tous que Nicolas Todt, en plus d’être le manager de Charles, est le copropriétaire de l’écurie. Vous nous confirmez qu’il n’y a eu aucun traitement de faveur vis à vis de son pilote ?

SP : "Absolument aucun, non, non. C'est la politique d'ART GP est de fournir le même matériel à chacun de ses pilotes. Il n'y a pas de traitement de faveur et ce n'est pas dans notre intérêt. Que ce soit Charles ou un autre, ça ne change rien pour nous puisque notre intérêt passe avant le reste."

CLF : Quel bilan tirez-vous de sa saison ?

SP : "Très bon ! A partir du moment où il est champion, je pense qu'on peut dire que sa saison est réussie. Je pense qu'elle est même doublement réussie car nous sommes parvenu à le faire évoluer. Peut-être pas en vitesse pure parce qu'il a beaucoup de talent et qu'il nous a démontré dès le début qu'il avait aussi la vitesse. Je pense qu'il a évolué au niveau de son approche et sur la gestion de ses week-ends.
Ça n'a pas été simple pour lui, puisqu'il a participé à quelques séances d'essais libres avec Haas F1 le vendredi matin et on sait que c'est compliqué de lier les deux catégories que sont la F1 et le GP3. Je pense que maintenant il a une bonne approche. Il a su gérer les moments un peu plus critiques de la saison, parce qu'il y a toujours des phases où c'est un peu plus difficile que d'autres mais c'est dans ces moments-là qu'il faut rester calme pour pouvoir les gérer. Là-dessus, Charles a été vraiment très très bon et je pense que c'est là où il a vraiment bien progressé, en comparaison avec sa saison de F3 où il a eu un petit coup de moins bien en milieu de saison. Là, ça n'a pas été le cas."

CLF : Depuis votre arrivée chez ART GP, vous avez travaillé avec Esteban Ocon et Stoffel Vandoorne. Où se situe Charles en tant que metteur au point et en tant que travailleur par rapport à eux ?

SP : "Par respect pour chaque pilotes, je ne les compare jamais mais je peux vous dire que Charles est vraiment très très rapide et bon metteur au point. Il a un très bon feeling avec la voiture et il progresse dans son approche des courses."

CLF : Pourquoi sa voiture n’a pas été peinte aux couleurs de Ferrari, comme ce sera par exemple le cas cette année en GP2 ?

SP : "Premièrement, parce que Ferrari ne l'a pas demandé. Ensuite, parce que le règlement du GP3 indique que les voitures d'une même équipe doivent être les mêmes. On peut réussir à trouver une solution lorsqu'on a que deux voitures avec deux pilotes issus d'une même filière. Lorsqu'on en a quatre comme c'est le cas pour ART GP, avec trois pilotes issus de trois filières différentes, ce n'est pas réalisable. De plus, nous sommes attachés à nos couleurs et nous faisons en sorte qu'elle apparaissent le plus possible."

CLF : La course 2 de Monza a été l’un des instants marquants de la saison dernière. Fukuzumi a sorti Charles, provoquant l’abandon des deux pilotes. Pourquoi l’équipe n’a pas instauré de consignes d’équipes, ce qui aurait protégé à la fois Charles mais aussi Albon, puisqu’ils étaient les deux seuls pilotes de votre équipe encore en lice pour le titre pilote ?

SP : "Il faut savoir que nous avons déjà des règles en interne. La première consiste à ne pas s'accrocher entre équipiers. Parfois, on a beau instaurer des règles, elles ne sont toujours pas suivies. Vous avez d'ailleurs deux exemples avec Monza, effectivement, puis également en Malaisie ou Nyck de Vries a fait l'erreur, c'est clair. Les règles n'ont pas été respectées, ce n'est pas toujours simple puisque ça reste des pilotes. Par contre, des consignes il n'y en a jamais. Il faut savoir que nos pilotes ne sont pas des professionnels. Ils ne sont pas rémunérés pour rouler mais ils financent leur propre saison. Je peux difficilement demander à Fukuzumi de ne pas faire sa course sachant que c'est Honda qui finance sa saison. Même chose pour de Vries avec McLaren. Nous avons simplement des règles de base comme celle de ne pas s'accrocher entre équipier et de ne pas détruire la course de l'autre. A aucun moment je ne pourrais demander à un de mes pilotes de laisser passer l'autre pour qu'il puisse gagner le titre. Ce n'est pas concevable à notre niveau. En F1, les pilotes sont rémunérés et représentent une marque ou une équipe. En ce qui me concerne, je suis rémunérer pour former des pilotes. Ce sont deux choses bien différentes."

CLF : Sur sept saisons de GP3, quatre champions sont devenus pilotes de F1. (Ocon, Vandoorne, Gutierrez, Bottas, Kvyat).
Pensez-vous que Charles a les capacités pour être le cinquième ?

SP : "Je fais plus que le penser ! Je ne peux pas dire que j'en suis certain parce qu'en F1, on n'est jamais sûr de rien mais avec ce qu'il nous a montré cette année en plus de ses capacités, je dirai que ce serait bête qu'il n'aille pas en F1. D'ailleurs il a intérêt à y aller parce que ce serait la première fois qu'un champion ART GP n'irait pas en F1. Tous nos pilotes champions chez ART que ce soit en GP2 ou en GP3 ont eu leur chance en F1. J'espère qu'il aura cette opportunité en 2018, ou au pire, en 2019."

CLF : L’an prochain, Antonio Fuoco et Charles seront en GP2, mais chez Prema Powerteam. Pourquoi ne pas avoir pris Charles dans votre équipe ?

SP : "Tout simplement parce que c'est un choix de Ferrari qui voulait mettre ses deux pilotes dans la même équipe et que de notre côté, nous n'avions déjà plus de place."

CLF : D’un point de vue technique, quels sont les principaux changements entre le GP3 et le GP2 ?

SP : "La voiture de GP2 a un peu plus de couple, plus de puissance moteur, plus d'aérodynamique, 200 cv de plus, des pneus plus gros. La gestion des pneus est un peu plus compliquée puisque les courses sont plus longues, il y a un arrêt aux stands et évidemment, le niveau des pilotes est plus élevé."

CLF : Bien que Charles ne roule pas pour vous cette année, que lui souhaitez-vous pour le futur ?

SP : "J'ai passé une superbe année avec Charles ! Humainement, c'est quelqu'un que j'apprécie énormément, qui a de vraies valeurs, qui a su rester simple. Je lui souhaite le meilleur et qu'il fasse du sport automobile son métier. C'est vrai que nous serons concurrents cette saison et que mon objectif premier est de défendre les intérêts d'ART GP.  Vous comprenez que je ne peux pas vraiment espérer que Charles termine devant nous mais si nous devions être battu par quelqu'un, je préférerais que ce soit par lui que par un autre. Je lui souhaite le meilleur et de finir derrière nous !" (Rires)

CLF : Dernière question, avez-vous un petit mot pour les lecteurs de notre site ?

SP : "Malheureusement je ne connais pas le site mais j'irai voir ! Je n'ai pas encore eu l'opportunité d'y aller mais mon message serait qu'ils continuent de supporter Charles, c'est un chic type, un bon mec et je pense vraiment que ce sera un futur grand en F1 donc il faut continuer de le soutenir !"

CLF : Merci beaucoup d'avoir pris un peu de temps pour nous !

SP : "Pas de souci, merci à vous, à bientôt"


Photo : autonewsinfo.com