Interview : Franck Montagny répond à nos questions

Samedi dernier, nous étions au circuit Paul Ricard pour assiter au Grand Prix de France historique. A cette occasion, nous avons eu la chance de pouvoir interviewer Franck Montagny malgré ses nombreuses sollicitations par les spectateurs. Il a très gentiment pu trouver 10 minutes à nous accorder. Notre interview porte essentiellement sur la situation de Ferrari à ce jour.

CLF : Bon Franck, on se fait une interview sincère, sans blabla ?
F. Montagny : "Allez, mais ça va dépendre de tes questions !" (rires)

CLF : Quand on pense à la grosse période de domination de Ferrari dans les années 2000, qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui, ils ne soient plus capables de se battre pour un titre ?
F. Montagny : "Très sincèrement, si j'avais la réponse, je serais patron de Ferrari mais ce n'est pas le cas. La grosse domination venait du fait qu'il y avait les bonnes personnes, des personnes clés au bon endroit. Aujourd'hui je crois qu'ils sont en train de restructurer un peu le tout alors qu'avant, il y avait Ross Brawn, un Anglais, Jean Todt, un Français et pas beaucoup d'Italiens finalement. Ensuite on a eu une époque avec beaucoup beaucoup d'Italiens et j'ai l'impression qu'au final, Ferrari s'est un peu fait manger la tête par la presse Italienne. Ce n'est que mon avis, c'est peut-être pas du tout la vérité mais c'est un avis. Je peux voir une grosse pression sur la pitlane par exemple, je me fais souvent fort bouger par les mécaniciens alors qu'il n'y a pas de raison. J'ai l'impression qu'ils passent plus de temps à surveiller ce que nous faisons dans la pitlane plutôt qu'à s'occuper de leur voiture. Je pense donc que ça va prendre du temps avant que Ferrari ne revienne à un gros niveau."

CLF : C’est bête mais on dirait qu’ils ne savent plus gagner !
F. Montagny : "L'année dernière ils étaient vite quand même !"

CLF : Oui parce-que la Red Bull était 12 kilos plus lourde qu'eux. Une fois qu'ils se sont mis au poids minimum, c'était fini.
F. Montagny : "Oui mais ils étaient quand même là. Ils étaient devant Mercedes, la voiture marchait mais je ne sais pas, c'est difficile de juger aussi directement."

CLF : Selon-vous, qu’est-ce qui manque à Ferrari pour être aussi redoutable que Red Bull ?
F. Montagny : "Un bon pilote !" (il rigole)

CLF : Ah on ne va pas être d'accord là. Mais que ce soit sur la conception de la voiture, sur son efficacité ou même sur le plan stratégique tant décrié...
F. Montagny : "Ecoute, en stratégie ils étaient paumés. Ils étaient mauvais. Très sincèrement l'année dernière on a vu des erreurs que ce soit stratégiques, pit stop, le double arrêt qu'ils ne font pas à Silverstone pour faire gagner Sainz, des erreurs monumentales. Je pense qu'avec l'arrivée de Fred Vasseur ça va changer mais ça prend du temps. Ferrari ça prend du temps, c'est comme les gros semi remorques qu'on voit en Australie avec six remorques derrière. Ce n'est pas parce que tu tournes le volant que ça va tourner tout de suite. Il faut attendre encore un peu, il faut mettre en place, il faut se structurer. Je sais qu'il a beaucoup de mal en ce moment parce qu'il y a des gens qui sont chez Ferrari depuis des années. Il y a des gens qui trainent chez Ferrari pour trainer chez Ferrari, qui portent la chemise juste pour porter la chemise et qui ne font rien. C'est encore un avis de l'extérieur, je ne suis pas dedans, je ne suis pas Dieu mais j'ai quand même l'impression qu'il faut faire un gros coup de nettoyage là-bas pour que ça commence à fonctionner. A partir de ce moment-là ça ira mais ça ne va pas être simple et je n'aimerais pas être à la place de Vasseur."

CLF : Est-ce que les premiers changements mis en place par Vasseur peuvent redonner l’espoir aux tifosis dès 2024… ou est-ce qu’il va falloir attendre au moins 2025 ?
F. Montagny : "Moi je dirais 2025 parce que j'ai la forte impression que cette année ça va manger sec. J'ai la forte impression qu'on est qu'au début de la descente. J'espère me tromper mais j'ai l'impression qu'on va quand même y aller chez Ferrari. J'espère de tout cœur que je me trompe parce que c'est une écurie emblématique. Je n'ai pas de favori, je n'ai pas de chouchou en Formule 1 mais ce n'est pas normal qu'une équipe comme Ferrari soit aussi loin. Ils devraient se battre devant avec Red Bull à chaque Grand Prix au même titre que Mercedes. Les gros devraient toujours être là et on devrait avoir de la bataille tout le temps. J'espère qu'ils vont trouver des solutions. J'ai un peu parlé avec Charles, il dit qu'ils vont en trouver, que ça va aller de mieux en mieux. Je trouve aussi qu'en ce début d'année il n'est pas au top, il fait beaucoup de bêtises, chose qu'il ne faisait pas avant. Je pense qu'il a la pression du fait qu'il doit emmener l'équipe vers l'avant. En ce moment c'est complexe chez Ferrari."

CLF : Depuis longtemps, nous entendons Charles jurer une fidélité totale à Maranello et récemment, il a même balayé les rumeurs d’un transfert chez Mercedes. C’est beau, et c’est tout à son honneur. Mais n’est-ce pas là son plus gros risque de passer à côté d’une grande carrière ?
F. Montagny : "Hop, hop, hop il est tout jeune !"

CLF : Oui mais si Ferrari continue comme ça, on va commencer se poser ce genre de questions.
F. Montagny : "Quand je dis qu'il est tout jeune c'est dans le sens que ce qu'il dit aujourd'hui n'est pas... C'est un vrai pilote Charles. Il a les dents, il sait gagner, il est devant, c'est un gamin que j'apprécie beaucoup et qui a la tête sur les épaules. Quand il dit ça aujourd'hui c'est normal, c'est du politiquement correct. On est avec son équipe, on enlève ce doute-là et surtout ça empêche les tifosis et la presse Italienne de pouvoir encore raconter une salade, en rajouter sur tout ça alors que ça n'a pas lieu d'être. Si Ferrari termine dixième du championnat cette année et dixième l'année prochaine, il partira. Il est là pour gagner, il a une valeur. Il ne restera pas dans une équipe qui ne marche pas."

CLF : Nicolas Todt aura de toute façon son mot à dire.
F. Montagny : "Bien sûr, c'est quelqu'un d'intelligent. Charles aussi, c'est une belle équipe et ça fonctionne bien. Ils se battent pour que Charles soit champion du monde avec Ferrari. Si ça marche, génial, l'histoire sera magnifique mais il ne pourra pas passer dix ans chez Ferrari à perdre. Il fera les bons choix, je ne suis pas inquiet pour lui."

CLF : Vous savez, nous suivons Charles depuis décembre 2011, son avant-dernière année en karting. Ça correspond à plus de 170 week-ends de course. Maintenant qu’il est enfin chez Ferrari, on en a marre d'être déçus chaque week-end.
F. Montagny : "Faut pas il a fait de très belles choses !"

CLF : Oui évidemment mais Ferrari nous refroidit parfois. On adore Charles, on le suit et il n'y a aucun problème là-dessus mais Ferrari, ils nous font parfois mal. Comment peut-on faire pour continuer à le soutenir sans être trop critiques avec l'équipe ?
F. Montagny : "Il ne faut pas dézinguer l'équipe. Si Charles ne le fait pas, il ne faut pas le faire. Si vous êtes de vrais supporters et je pense que c'est le cas, il faut suivre son leader. Si vous faites tout ça c'est pour lui, c'est pour vous aussi parce que c'est un plaisir mais c'est surtout pour lui. Donc tant qu'il n'a pas décidé de dézinguer l'équipe vous ne devez pas le faire. Vous devez plutôt essayer de comprendre pourquoi il fait telle ou telle chose et même si vous ne comprenez pas, vous êtes ses lieutenants donc vous devez le suivre. On suit toujours le boss, enfin moi c'est comme ça que je vois les choses dans la vie. Il faut le suivre corps et âme et de temps en temps on se mord les doigts. Et puis bon, la dernière fois c'est quand même lui qui a fait le con !"

Malheureusement, l'interview s'est terminée plus tôt que prévu puisque Franck a reçu un appel au même instant et a dû vite partir pour se préparer à aller en piste. Nous tenons à le remercier de nous avoir accordé un peu de son temps.

 


Photo : charles-leclerc-fans.com

2 réflexions au sujet de « Interview : Franck Montagny répond à nos questions »

  1. Tout à fait d'accord avec les commentaires. FERRARI est l'équipe la plus difficile à gérer en raison si j'ose dire de la presse Italienne !

    Pour moi, Charles est l'un des meilleurs pilote du plateau, et il ne faut pas oublier qu'entre les dix premières voitures, il n'y a souvent pas moins d'une seconde au tour en qualif !

    Je suis fan de FERRARI depuis de très nombreuses années, j'ai eu le privilège de les fréquenter de près du temps du duo LAUDA - FORGHIERI. Je souhaite de tout coeur que Charles devienne champion avec FERRARI, mais je lui souhaite aussi de trouver une autre équipe s'il le faut afin qu'il puisse faire état de tout son talent.

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